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Le souffle d'Ongar

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Le souffle d'Ongar Empty Le souffle d'Ongar

Message  Abon Mar 28 Aoû - 16:49

Alors voilà, j'inaugure ce topic et j'espère ne pas faire d'erreur ! Wink

Résumé : Alors que le Shah Rajamaël prépare une guerre sainte sans pitié pour apporter la lumière de Dash dans les Trois Royaumes, le son des tambours s'élève au-delà de la forêt brumeuse du Rohim. Une menace pour la paix des Hommes, bien plus grande que la folie du Shah, se prépare dans l'ombre.


LE SOUFFLE D‘ONGAR



Prologue



C’est dans la fraîcheur éthérée du soir qu’il expira pour la dernière fois, le vieux conteur du village. Il avait toutes sortes d’histoires originales en mémoire, qu’elles soient vrai ou non. De sa seule voix profonde et captivante il faisait taire les enfants les plus bavards.
Dans les derniers jours de sa vie, sur son lit de malade, il s’était mit à conter une légende connu des Trois Royaumes, un mythe présent dans toute les mémoires et cependant oublié. Björn n’avait jamais cru à toutes ces fables, il se contentait d’écouter et de penser que le vieux fou délirait. Ivar, car c’était son nom, racontait cette histoire en se présentant comme le descendant du roi Ulrich. Mais ce qui contrariait Björn, c’est que sa sœur, Jarnisa, accordait une attention particulière à ses dires et ne cessait de lui répéter que s’il était vraiment le dernier descendant d’Ulrich alors la paix des Hommes était menacée.
« Mais les Orques n’existent pas ! » s’était exclamé Björn le jour de l’enterrement de Ivar. « Ce n’est qu’un conte pour effrayer les enfants ! M’entends-tu, Jarnisa ?
- Je t’entends très bien ! Mais dis-moi, mon frère, dis-moi pourquoi lorsqu’on évoque la forêt brumeuse du Rohim, un frisson nous parcours le dos ? » Björn soupira, une sueur froide avait coulé le long de sa nuque au seul nom de cette forêt maudite. Sur ce point, elle n’avait pas tord. « Nous avons tous peur, reprit-elle, même nous, courageux castridiens, nous avons peur d’elle. Sans savoir pourquoi. »
Björn n’avait rien répondu et il s’était isolé comme il le faisait si souvent. Il avait fini par comprendre ce qui intriguait sa sœur dans cette légende. Les castridiens n’étaient censés craindre que la mort dans le déshonneur et d’être refouler aux portes des jardins d’Ongar. Qu’avait donc cette forêt qui les effrayait tant ? Jarnisa avait finalement gagné, lui aussi voulait savoir. Alors il se remémora le dernier conte du vieux Ivar et chercha à déceler le vrai du mythe.



C’était il y a cinq cent ans dirait un vieillard comme moi. C’était il y a mille ans dirait un jeune garçon. Quoi qu’il en soit, cette histoire fût. Dans un temps où les Trois Royaumes étaient liés, dans un temps où les hommes étaient frères. Tous unis contre un même ennemi, les terribles Orques. Des monstres, horribles mangeurs d’homme aux bras et aux jambes tors. Ils terrorisaient les villages isolés en attaquant dans un désordre et une confusion qui leur était propre.
Les cavaliers des Trois Royaumes savaient les repousser, cela leur était facile en vérité, les orques se déplaçaient toujours en de petites tribus nomades. Tant qu’ils n’étaient pas plus nombreux que les hommes finalement ils n’étaient pas un si gros problème. Il suffisait de ruser et de faire éclater une dispute dans le groupe d’orques et ils finissaient par s’entretuer. Les preux cavaliers en riaient et racontaient avec verve la façon dont ils avaient lancé la bagarre et comment ils avaient tué les derniers orques à coup d’épée, de masse ou de flèche.
Il en fût ainsi jusqu’au jour où, Ongar même ne sait comment ni pourquoi, les orques s’unirent. Et la mort s’abattit comme un couperet sur les Trois Royaumes. La ruse habituelle n’était plus d’aucune utilité. Des vagues de monstres assoiffés de sang déferlaient dans les cités et les Hommes furent submergés. Les cavaliers qui s’étaient autrefois vanté de leurs exploits tombaient les uns après les autres. Les trois souverains enchaînaient batailles sur batailles et chaque fois l’ennemi avançait comme une terrible tempête qu’on ne pouvait arrêter.
Les orques les poussèrent aux confins du monde, très loin au nord dans les montagnes. C’est dans la dernière forteresse des Hommes qu’ils résistèrent le plus, trouvant leur force dans le désespoir. Les monstres vinrent se fracasser sur la muraille de Aulevent, la cité des Trois, mais cela ne suffisait pas à stopper le fléau. Le temps glorieux des hommes allait se terminer aux pieds des montagnes, au bord du monde.
Ce n’était pas la fin que les trois souverains avaient imaginé ; et dans un ultime sursaut de démence diraient certains, de courage diraient d’autres, ils invoquèrent les esprits de la forêt brumeuse. Cette vaste forêt bordant les plaines perdues du Rohim et dont les êtres qui la peuple ne sont, dit-on, que des ombres. Oui, ils les appelèrent, ils savaient comment s’y prendre alors c’est ce qu’ils firent pendant qu’à l’extérieur les hommes se battaient pour leur survie. Ils établirent un pacte avec les puissances de la forêt ; elles repousseraient les orques et les retiendraient au delà de leur domaine, sur les terres sombres.
Tout a un prix cependant, et ce fût le prix du sang qu’elles réclamèrent. Les trois souverains ayant chacun un fils, se donnèrent la mort. Et tant que coulerait leur sang, à travers leur descendance, le pacte durerait.
C’est ainsi que Ulrich, roi de la vaillante Castride, Ahmet, shah de Hellalabah la magnifique, et Gioberti, roi du puissant Rohim, sauvèrent leurs peuples du néant.
Je m’appelle Ivar Magnus, dernier descendant de Ulrich, je ne sais pas ce que sont devenu les autres. Reste-t-il des descendants de Ahmet ? Ou de Gioberti ? Je meurs sans savoir ce qu’il adviendra des Hommes et j’ai peur.



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Message  Abon Ven 7 Sep - 0:18

Chapitre 1



Le jour de la lune bleue à Humin, était jour de marché et les forains et commerçants s’étalaient dans toutes les rues du centre ville ; la cité bourdonnait, les marchants criaient et gesticulaient pour attirer l’attention de potentiels clients. A l’habitude cela se passait ainsi.

Bramn N’tich avait bien remarqué l’agitation particulière qui régnait dans la ville autour du Grand Palais du Shah Rajahmaël depuis quelques semaines. Des hommes à cheval patrouillaient sans cesse. Personne n’était tranquille depuis que ce criminel s’était échappé. Faire le marché était devenu une contrainte plus qu’un véritable plaisir. Les gens n’osaient sortir de peur que cet homme ne leur tombe dessus. Bramn n’était pas effrayé par cet homme, à quoi lui servirait de tuer un commerçant. Et il était probablement loin de la ville, et peut-être même de Hellalabah songea-t-il. S’il avait pu fuir sans alerter les gardiens de sa cellule, il avait tout aussi bien pu fausser compagnie aux gardes des portes de la cité. En réalité, deux choses le contrariaient. Cette soudaine crainte de l’extérieur que cultivaient les habitants de la ville paralysait son commerce modeste de tisserand, et la présence de la garde du Shah le rendait nerveux et paralysait son second commerce moins honnête et certes moins modeste. Il repensa en observant un des hommes à cheval passer devant son magasin, combien étaient nombreux ces clients, de plus en plus chaque année, il avait même été surpris un jour en découvrant que certains de ses nouveaux fidèles clients étaient des cavaliers de la garde. Un fin sourire barra son visage buriné. L’herbe Taëchi avait beaucoup de succès malgré son illégalité. Il était un des seuls dans la ville à en faire le commerce. Il songea que deux jours plus tôt un de ses concurrents avait été pris et jeté sur la place publique. Bramn avait bien cru qu’il serait lapidé. Rajahmaël était intervenu en exigeant qu’il soit simplement banni du royaume. L’indulgence du Shah l’avait frappé, peut-être que le contrebandier était dans ses bonnes grâces. Bramn N’tich secoua la tête. La lapidation. Il n’avait pas fait beaucoup de bonnes choses dans sa vie mais la lapidation était un châtiment qui le répugnait. Tout juste bon pour un castridien, jura-t-il. Il eut un frisson dans le dos. Il évitait toujours de penser à ce qu’il pourrait lui arriver s’il se faisait prendre. Il secoua la tête une fois de plus pour chasser ses images.

La cloche de la porte de son magasin retentit et un garde entra. Il traversa la boutique d’un pas alerte sans se soucier des rouleaux de tissu qu’il faisait tomber à son passage. Bramn souffla et le regarda avancer, le visage fermé. Il savait ce que lui voulait cet homme. Toujours la même chose depuis quelques semaines. Et toujours il répèterait la même chose. « Alors, tisserand,

- Je n’ai rien vu », le coupa Bramn N’tich d’un ton bourru. « Es-tu sûr ? »
Bramn grogna. Cette manie qu’ils avaient de tutoyer tout le monde l’horripilait.

« J’en suis bien sûr. Mais dites-moi un peu ! Ne pensez-vous pas qu’il ait pu quitter la ville et le Royaume ?

- Mes ordres sont de chercher et de questionner les gens de la ville, répondit le garde. »

Bramn renifla. « Vous obéissez aux ordres et vous ne pensez pas, hein ! »
Le garde lui lança un regard mauvais. « Surveille tes paroles, N’tich le tisserand. »

Bramn se retint d’envoyer une réflexion acerbe. Il avait toujours fait attention à ses gestes et ses mots en présence de gardes, ils avaient tendance à vite s’échauffer et mieux valait pour lui de ne pas attirer leur foudre alors que, loué soit Ongar, son commerce de Taëchi florissait à l’arrière de sa boutique.

« Je pourrai faire fermer ton commerce », continua-t-il sur un ton menaçant en portant la main à son cimeterre.

« Je ne veux pas d’ennui. Si mes paroles vous ont offensées, je vous demande pardon », dit-il en s’inclinant.

Il détestait faire cela, s’aplatir ainsi devant un cavalier. Cela revenait à leur donner raison. Tout dans les muscles, rien dans la tête, pensa Bramn en laissant échapper un fin sourire. De son expérience de la vie, il retenait que les forts avaient toujours le dessus sur les faibles, quoiqu’on en dise, mais que les malins s’en sortaient infiniment mieux que tous les autres. Et il avait appris à être malin, à masquer la vérité, cacher ses sentiments ou idéaux et à courber le dos quand cela était nécessaire. Beaucoup de gens s’étaient fait duper, il s’était construit un cercle de bonnes et utiles relations, et une réputation.

Le garde frappa le comptoir de son poing, N’tich sursauta et lui lança un regard surpris. « As-tu écouté ce que je t’ai dit, tisserand ! » gronda-t-il.
« Désolé, je pensais à autre chose. Vous disiez ?

- Interroge tes clients étrangers. Demande-leur s’ils n’ont pas vu un homme seul et l’air fuyant, s’ils ont remarqué quelque chose d’anormal. »
N’est-ce pas ton travail, par Ongar, pensa Bramn. Il renifla, toute cette histoire allait faire fuir ses clients.

Le cavalier avait continué de parler et Bramn fit mine d’avoir suivit. « … Comportement suspect. Si c’est le cas, tu dois te rendre au Palais, tu demandes Mimoun N’Rabah et tu lui dis ce que tu sais. N’hésite pas à te renseigner sur tes voisins, il y a une bonne prime à la clé et la reconnaissance du Shah ! »

La reconnaissance du Shah, Bramn s’en fichait. Il ne l’aimait pas. Il était arrivé au pouvoir de façon curieuse après la mort du Bon Ismaël. Si le peuple avait le droit de choisir son dirigeant, Bramn ne l’aurait certainement pas élu. Rajahmaël invitait à la délation à présent. Les gens n’auraient plus confiance en quiconque. Une fois encore, ce n’était pas bon pour son commerce, pour ces deux commerces.

Bramn hocha la tête. Le garde se dirigea vers la sortie en enjambant les rouleaux de tissus qu’il avait fait tomber. Il ouvrit la porte, se retourna vers N’tich et lança un vif « Loué soit Dash ! ».

Bramn grogna et évita de croiser le regard du cavalier.
Celui-ci se redressa et répéta fermement « Loué soit Dash ! » Bramn louait Ongar et non ce dieu que Rajahmaël leur faisait adorer.

Il se fit violence en fixant le reflet du soleil sur la lame du cimeterre. Ne pas s’attirer d’ennui, c’est tout ce qui lui importait pour le moment alors il lança malgré lui un « loué soit Dash » qui lui écorcha la bouche. Le garde renifla et sortit en claquant la porte.


*



Heddah avait envie de pleurer. Il ne savait plus quoi penser, il était perdu. Il marchait à l’abri des arbres, loin des sentiers où il pourrait croiser du monde. Il était faible, son visage était pâle, ses joues creusées et les cernes sous ses yeux trahissaient sa fatigue.

Il voulait voir le vieil ami de son père. Il lui en avait souvent parlé les rares moments où ils se promenaient ensemble dans les jardins du palais. Il lui accordait une confiance aveugle, il lui avait sauvé la vie autrefois. Alors c’est vers lui qu’Heddah irait. Lui, il en était sûr, l’aiderait certainement à s’échapper, à s’en sortir, à prévenir les autres aussi. Oui, il le devait. Cet homme était trop fou pour être ignoré. Une colère noire s’empara de lui en même temps que se serrait son cœur. Il aurait crié sa haine contre Rajahmaël s’il n’avait pas la gorge si sèche.

Heddah se permit un peu de repos et s’adossa à un arbre. Il entendit le ruissellement de l’eau à quelques pas. Cela l’apaisa un instant puis le surprit ; il avait étudié la géographie de Hellalabah et il ne se souvenait pas d’une rivière ici, certainement pas, seulement d’un point d’eau. Quelqu’un devait l’exploiter pour irriguer des plantations. Il hésita, un peu, il n’avait pas mangé depuis des jours et il avait soif. Il se releva avec peine et décida qu’on ne s’apercevrait de rien s’il volait seulement un ou deux fruits et quelques gorgées d’eau. Il s’approcha prudemment, il n’y avait qu’un arbre, un oranger, une pauvre petite maison --il douta un instant qu’elle soit habitée-- et un maigre potager. Il jetait des regards tout autour de lui, il était bien connu que les paysans étaient avares et gardaient précieusement leurs cultures. Il cueillit deux oranges et respira leur parfum avec délectation. Il se souvenait à quel point il aimait les orangeraies d’Humin et son cœur se serra encore une fois au souvenir heureux.

Il s’écarta un peu des plantations pour se cacher. Il déchira l’écorce du fruit et découvrit la chair pulpeuse, il s’empressa de mettre un quartier dans sa bouche. Heddah ferma les yeux, au-delà du bien que l’orange procurait à son ventre affamé, c’est toute son enfance et son adolescence qui lui remonta à la gorge. Combien de fois en avait-il volé directement sur les arbres au nez et à la barbe de ce bon vieux Selim qui lui courait après en riant dans toute l’orangeraie. Ce bon Selim, il n’avait jamais vraiment su être autoritaire avec lui, son père l’était assez et encore plus le maître Osuran Murad, disait-il. Heddah se demanda s’il reverrait un jour son Selim alors qu’il avalait un autre quartier d’orange. Il jura en se disant que c’était impossible, Rajahmaël avait sentit quel lien les unissait, qu’il aurait pu être dangereux de le laisser libre, il aurait alors aidé le jeune homme qu’il avait vu grandir. Il l’avait pris comme premier serviteur, celui qui est toujours là, au côté de son seigneur, qui doit lui être fidèle, comme l’avait fait son père avant mais Selim serait certainement bien moins fidèle à Rajahmaël qu’au Bon Ismaël. Le Shah avait bien joué son coup mais Heddah avait quand même réussi à lui échapper. Il jura encore en attaquant la deuxième orange.

« Je t’aurais donné ces fruits volontiers si tu me l’avais demandé, mon garçon. »

Heddah se figea. Il n’avait rien entendu, il avait été imprudent, pas assez éloigné de la maison, trop pressé de manger. Il ferma les yeux et voulu s’enfuir à toute jambe mais le ton qu’avait employé l’homme l’en dissuada. Il n’était pas menaçant, il était rieur. Ses pieds pivotèrent un peu malgré lui et il se trouva face à un vieillard aux yeux malicieux. « Il faut dire, je ne rencontre pas beaucoup de voleur d’orange par ici, dit-il en souriant.

- Pourquoi souriez-vous ? » Heddah se traita aussitôt d’idiot. On lui avait pourtant appris à tenir sa langue. Le sourire du vieil homme s’élargit pourtant, découvrant ses dents gâtées.

« Ce n’est pas ce que je voulais dire ! Excusez-moi, » dit Heddah précipitamment et confus. « Je sais ce que tu voulais dire, mon garçon, répondit le vieillard. Tu te demandes pourquoi je ris alors que tu m’as volé. »

Heddah hocha la tête. Son cœur battait tellement fort qu’il crut un instant que le vieil homme le voyait. Il pensa qu’il allait alerter les cavaliers du Shah de sa présence puis se reprit, ils étaient bien loin d’Humin et bien loin de tout.

« Je ne préviendrais pas les cavaliers » dit le vieillard comme s’il avait lu dans ses pensées. Heddah haussa les sourcils mais ne dit toujours rien.

« Ne serais-tu pas cet homme échappé des prisons d’Humin, reprit-il. » Son cœur fit un bon dans sa poitrine, il savait donc qui il était. « Tu ne m’as pas l’air bien dangereux pourtant, » continua-t-il en l’observant. Son regard était perçant et mit Heddah mal à l’aise. Il restait figé, ne sachant que faire, attendant le verdict de l’homme qui l’avait surpris à voler. Il renifla, « viens avec moi.» Heddah hésita. « Allons ! Aurais-tu peur d’un vieillard ? Suis-moi à l’intérieur, » dit-il en pointant la maison du doigt.

Il y avait bien un quart d’heure qu’il était assit face au vieil homme et Heddah n’avait pas desserré la mâchoire. Il avait bu un peu d’eau, mangé un peu de fromage et de pain. Le vieillard n’avait pas beaucoup parlé lui non plus mais jetait sans cesse des coups d’œil curieux vers lui. De toute évidence il se posait beaucoup de questions. Heddah se demanda pourquoi cet homme l’accueillait sous son toit s’il le savait échappé des prison d’Humin. Savait-il vraiment qu’on l’accusait de crime ? Savait-il vraiment qui il était ?

« Tu ne l’as pas tué, n’est-ce pas mon garçon ? » demanda le vieil homme de but en blanc. Heddah sentit son cœur faire un bond, comme plus tôt quand il lui avait demandé s’il était le fugitif d’Humin. Il secoua la tête et n’osa prononcer qu’un « non » à peine inaudible.

« Oui, je veux bien te croire, reprit le vieillard. Tu l’aimais, hein ? »

Il y avait de la tristesse dans les paroles du vieil homme et une boule serra la gorge de Heddah. Bien sûr qu’il l’aimait, c’était son père. Il soupira et éluda la question.

« Pourquoi m’accueillir sous votre toit ? Si les cavaliers l’apprennent ils vous tueront très certainement. 

- Je n’ai pas peur des cavaliers du Shah, répondit le vieil homme en se relevant. Tu as besoin de reprendre des forces. Tu pourras passer la nuit ici si tu veux. »

Heddah leva vivement les yeux vers lui.

« Ma maison est modeste mais il y a un lit et des couvertures. C’est mieux que le froid de la belle étoile. » reprit-il. Il avait retrouvé un peu de son sourire malicieux.

« Comment puis-je vous appeler ? » demanda Heddah qui se mit debout à son tour. « Munir est mon nom. Tu peux m’appeler comme cela. »

Le vieil homme sortit et le laissa seul. Munir. Ce nom résonnait en lui comme un souvenir lointain. Il n’y avait pourtant aucun Munir dans sa mémoire d’enfant. Heddah secoua la tête ; il était bien trop préoccupé pour bien réfléchir mais il avait trouvé en ce vieillard une aide bienveillante, il en était sûr.


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Message  Abon Dim 14 Oct - 11:17

Chapitre 2



« Prier pour notre salut. » Il n’avait que ces mots en tête depuis le matin. Prier. Et il n’avait rien fait d’autre de sa matinée.

Il se leva et fit craquer ses genoux douloureux. Il jeta un dernier regard à l’autel en se signant et sortit du Temple.

« Dash vous a-t-il entretenu, monseigneur ? »

Le Shah posa sa main sur l’épaule du petit prêtre. « Dash ne parle que dans mes rêves. Ce n’est que dans mes songes qu’il dispense ses conseils. » Il hocha la tête et allongea le pas pour rejoindre la salle du banquet où devaient déjà l’attendre sa femme, son fils et ses fidèles cavaliers.

Il soupira. Sa femme ne mettait pas tant d’ardeur que lui à la prière et ses cavaliers n’allaient pas au temple aussi souvent qu’il l’aurait voulu mais ce n’était que le début. Le culte de Dash n’en était encore qu’à ses balbutiements, et il avait fallu de nombreuses années, peut-être des siècles, au culte d’Ongar pour se développer et devenir ce qu’il était, si encré dans les mœurs et les traditions. Il était fort tenace et le triomphe de Dash n’en serait que plus remarquable.

Rajahmaël souffla alors que la grande porte de la salle du banquet se dessinait au bout du couloir. Il répandrait la sagesse de son dieu, quoi qu’il en coûte, il avait déjà envoyé des prêcheurs dans tout le royaume étendre la parole de Dash.

Sa victoire ne faisait aucun doute. Son cœur, en tout cas, ne doutait pas.


Le Shah entra et s’assit sur son trône dans le silence. Il fit signe aux cavaliers de se rassoir et le brouhaha habituel de la salle du banquet s’éleva bientôt.

Rajahmaël parla peu, tout à ses pensées. Sa femme et son fils n’osèrent lui adresser la parole et s’étaient tournés vers les hommes de la cavalerie, tout à leurs plaisanteries. Le Shah ne s’en formalisa pas tant qu’il pouvait boire de son vin tranquillement. L’ambiance était détendue et il espérait pouvoir placer quelques mots en faveur de Dash avant la fin du repas.

Les esprits commencèrent à s’échauffer cependant et le sujet qu’aurait voulu éviter Rajahmaël ne tarda pas à poindre dans les discussions.

C’était au premier des cavaliers qui capturerait le criminel en fuite, et ils mettaient beaucoup d’ardeur à détailler, force gestes et vocifération, la façon qu’ils auraient de l’enlever et de le tuer.

Puis une vague d’acrimonie parcouru la salle et les clameurs devinrent murmures. Si cet homme n’était pas prit dans les prochains jours, le peuple les prendrait pour des incapables, leur autorité s’en verrait ébranlé. Une voix parla plus fort que les autres et les mots que tout le monde pensait sans oser les prononcer s’élevèrent dans la salle jusqu’au souverain qui serrait un peu plus son poing sur sa coupe de vin.

« On aurait dû lui trancher la tête quand on l’avait entre les mains ! »

Une rumeur approbatrice accueillit ces paroles. Le Shah se leva d’un coup, renversant presque la table et son siège.

« JE DECIDE QUI DOIT VIVRE OU MOURIR ! EST-CE CLAIR ? »

Sa voix gronda dans la salle et les murmures cessèrent.

« Je décide qui doit vivre ou mourir, répéta-t-il comme pour lui-même. »

Après un moment, un cavalier se leva et s’inclina avant de parler. « Monseigneur, le peuple est mécontent. Il nous reproche la fuite de ce misérable et leur insécurité. » Il soupira et reprit. « Donnez l’ordre de déployer les troupes dans le royaume, mon seigneur, nous ramèneront son corps à Humin. Autorisez-nous à planter notre lance entre ses omoplates ! »

Les cavaliers se turent face à tant d’audace, attendant la colère de leur souverain.

Mais ce fut la surprise qui traversa le cœur des soldats plutôt que la peur ; le tout-puissant Shah, qui aurait pu supprimer cet impudent sur un simple geste, avait simplement acquiescé et fermé les yeux. Il levait à présent les deux mains en signe d’apaisement.

« Bien, dit-il et sa voix paraissait fatigué. Faites donc ! Ce criminel va contre la volonté de Dash. J’offrirais une prime à qui me ramènera sa tête ! »

Puis il se tût et se rassit.


*




Il n’aurait pas du. Il n’aurait pas du lancer la chasse.

Ce garçon ne méritait peut-être pas de mourir. Il avait de la ressource et toute la vie devant lui.

Rajahmaël se sentit coupable soudain. Et coupable, s’était bien ce qu’il était.

Il soupira et prit une datte dans le plateau à côté de son lit. La journée était bien avancé, les cavaliers ratissaient tout le royaume ; le Shah s’attendait à voir surgir un garde dans sa chambre, n’importe qui, qui lui apprendrait qu’on apportait la tête de Heddah N’Ismaël Mehmed.

Allongé, il faisait tourner la datte dans sa main et fixait la porte de sa chambre.

En fin de compte, cette chasse à l’homme allait le débarrasser d’un sérieux problème. Certes son éthique et sa morale allaient en pâtir mais ce garçon était pour lui une épine, un fruit moisi qui gâterait tous les autres. Rajahmaël soupira. Les cavaliers avaient besoin d’un exutoire, il leur avait donné ce qu’ils voulaient, au nom de Dash. Ses hommes trouveraient peut-être de l’intérêt dans son dieu.

Le Shah se demandait s’il devait organiser des croisades lorsque la mère de son fils, la privilégiée de son harem, s’allongea à ses côtés.

« A quoi penses-tu, mon amour ? C’est toute cette histoire qui te préoccupe ? » dit-elle d’une voix suave.

« Tu as toujours su lire en moi, répondit-il en croquant dans sa datte.

- Tu as parfois un visage très expressif, » dit-elle dans un petit rire désireuse de ne pas le vexer.

« Que veux-tu dire ? » Il se redressa et elle s’écarta un peu de lui. « Que je laisse paraître mes sentiments ?

- Parfois seulement, quand tu es seul.

- Avec toi je ne suis pas seul, » répondit-il en cachant son sourire.

« Tu m’as très bien comprise. Tu n’es pas tout à fait le même quand tu es avec tes hommes. » Elle s’appliquait à mettre des nuances dans son discours pour ne pas le fâcher et Rajahmaël aimait cette attention particulière. Il se pencha et l’embrassa brièvement. « Bien sûr que j’ai comprit, ma belle. »

Elle se laissa aller sur le lit et lui sourit. « Alors ? Qu’as-tu en tête ?

- Je pensais à Dash, Aziza » soupira-t-il. Elle leva imperceptiblement les yeux au ciel et se reprit vite. « Oui, je m’en doute. Tu penses beaucoup à Dash ces derniers temps.

- Est-ce un reproche ? » Il se leva et lui tourna le dos.

« Ce n’était pas un reproche, mon amour. Mais ce qui te préoccupe me préoccupe.

- Tu te soucis donc de Dash ? » dit-il dans un sourire vainqueur à peine dissimulé.

« Je me soucis de toi, dit-elle et Rajahmaël redevint sérieux. Tu es si grave depuis que cet homme est en fuite. De quoi as-tu peur ? »

Le Shah s’assit au bout du lit et caressa de sa main la cheville de sa femme. « Non je n’ai pas peur mais les cavaliers n’ont pas tord. Il faut le capturer avant de perdre la confiance du peuple.

- Et que comptes-tu faire pour leur faire aimer Dash ?

- Beaucoup se sont converti déjà, tu le sais bien. » Son visage se ferma, il avait parlé durement. Aziza se rapprocha de lui et passa sa main sur sa joue.

« Tu as raison, mon amour. Et je suis sûr que tes hommes ne vont pas tarder à ramener la tête de ce criminel. Tout ira mieux après n’est-ce pas ? »

Rajahmaël la regarda dans les yeux avant de l’embrasser. Il avait honte de son mensonge. Oui il avait peur. Peur qu’elle découvre la terrible vérité. Mais cacher ce qu’il s’était passé à sa femme et son entourage lui permettait de ne pas vraiment y croire. Il préférait croire le mensonge ; le mensonge était préférable.

Il fallait trouver ce garçon avant qu’il ne parle même si sa parole valait peu. Le Shah espérait qu’il était assez intelligent pour se terrer et éviter d’attirer l’attention sur lui. Mais il devait être en colère et la colère peut rendre un homme aveugle.

Il avait tué son père mais s’était au nom de Dash. Comment aurait-il répandu la sagesse du dieu en étant qu’un simple gouverneur. Ismaël ne l’aurait jamais écouté. A présent qu’il était au pouvoir, il pouvait faire construire des temples et diffuser les livres sacrés. Ongar serait balayé, une nouvelle ère commençait.

Le meurtre était nécessaire au grand dessein. C’est Dash qui lui avait soufflé cette idée une nuit. Une brillante idée qui lui posait encore quelques problèmes mais il n’aurait plus longtemps attendre, ses cavaliers étaient acharnés.

Rajahmaël se rendait compte que ses hommes manquaient d’action. S’il organisait des croisades au nom de Dash dans les deux autres royaumes, ils trouveraient un nouvel intérêt pour le dieu et il étendrait la suprématie de Dash dans tout le monde. Le Shah sourit, il voyait déjà son armée marcher sur La Castride et le Rohim, et les temples fleurir dans les capitales.

« Tu es encore partit dans tes pensées, mon amour. Des pensées heureuses ? » Le sourire de Rajahmaël s’élargit. « Que dirais-tu si je me lançais dans une croisade ?

- Une croisade ? » Aziza haussa les sourcils. « Etendre le pouvoir de Dash aux Trois Royaumes ? C’est de cela que tu parles ?

- Ca n’a pas l’air de te plaire, » se renfrogna-t-il. Elle lui sourit pour le rassurer. « N’est-ce pas trop dangereux ?

- Crois-tu qu’un souverain doit se soucier du danger s’il veut avancer ?

- Oui ! Si cela met son peuple en danger ! » Elle s’écarta de lui, elle était allé trop loin et elle le savait. Le Shah se leva et ouvrit la porte de la chambre sans la regarder.

« Tu me déçois Aziza. J’aurais cru avoir le soutien de ma femme. Mais j’organiserai ces croisades et je suis sûr que le peuple me soutiendra, » dit-il sèchement avant de sortir, laissant sa femme dans un silence coupable.


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