Hagane no Jikan [FullMetal Alchemist]
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Hagane no Jikan [FullMetal Alchemist]
ATTENTION, SPOIL. L'histoire se déroule après le manga.
Tous les personnages appartiennent à Hiromu Arakawa.
Résumé :
"Ma jambe, mon coeur sont de métal. Mon regard a changé et peu à peu je renais de mes cendres...
Qui m'a un jour persuadé que rien ne pouvait encore me blesser ? Ma volonté s'est faite si tranchante qu'elle pourrait scinder l'acier.
Je suis voué à l'autodestruction."
Prologue : Existence
19 Mai 1925 – Edward Elric
Hagane no Sonzai
Existence d'acier
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Tous les personnages appartiennent à Hiromu Arakawa.
Résumé :
"Ma jambe, mon coeur sont de métal. Mon regard a changé et peu à peu je renais de mes cendres...
Qui m'a un jour persuadé que rien ne pouvait encore me blesser ? Ma volonté s'est faite si tranchante qu'elle pourrait scinder l'acier.
Je suis voué à l'autodestruction."
Prologue : Existence
« Que vais-je devoir payer, maintenant ? J’ai tout perdu. Ma conviction, mon ambition, mon avenir... Et pourtant presque rien n’a changé. Mais au fond, je me sens affreusement vide.
Je ne sais pas comment j’en suis arrivé là ; je soupçonne la bêtise humaine d’y être pour quelque chose. Et maintenant, après avoir tout donné pour changer la face du monde, je m’attends au pire.
J’ouvre doucement les yeux et rien n’a bougé. Je m’inquiète. Je cherche, je cherche, mais rien ne m’indique que j’ai payé.
Mais qu’ai-je donc perdu... ? Peu à peu, je m’affole. Je tourne la tête dans tous les sens et la frustration grandit en moi ; égaré, je me mets à crier et à pleurer.
Il est trop tard, je le sais. Ces larmes, j’aurais dû les verser la toute première fois, non, la seconde : après avoir répété mon erreur volontairement. Il est trop tard et je ne peux pas remonter le temps.
Ironie du sort.
Je croise enfin quelqu’un dans la maison vide... Mon épouse. Elle rit aux éclats et je suis surpris de ne pas apercevoir Urey et Trisha agrippés à sa robe fleurie. Où sont-ils ? Je l’interpelle, une fois, deux, trois, dix, je hurle mais elle continue de rire sans m’entendre. Furieux, je me lance vers elle et la prends dans mes bras pour m’assurer qu’elle est bien réelle ; mais tout ce que je réussis à faire est de tomber à plat ventre sur le vieux parquet sombre. Et elle continue de rire de bon coeur. Elle rit, elle rit...
Je viens de comprendre.
Comment est-ce arrivé... Je le sais sans le savoir.
Pour chaque chose obtenue, il faut se séparer d’une autre.
Ce soir, j’ai abandonné mon existence. »
Je ne sais pas comment j’en suis arrivé là ; je soupçonne la bêtise humaine d’y être pour quelque chose. Et maintenant, après avoir tout donné pour changer la face du monde, je m’attends au pire.
J’ouvre doucement les yeux et rien n’a bougé. Je m’inquiète. Je cherche, je cherche, mais rien ne m’indique que j’ai payé.
Mais qu’ai-je donc perdu... ? Peu à peu, je m’affole. Je tourne la tête dans tous les sens et la frustration grandit en moi ; égaré, je me mets à crier et à pleurer.
Il est trop tard, je le sais. Ces larmes, j’aurais dû les verser la toute première fois, non, la seconde : après avoir répété mon erreur volontairement. Il est trop tard et je ne peux pas remonter le temps.
Ironie du sort.
Je croise enfin quelqu’un dans la maison vide... Mon épouse. Elle rit aux éclats et je suis surpris de ne pas apercevoir Urey et Trisha agrippés à sa robe fleurie. Où sont-ils ? Je l’interpelle, une fois, deux, trois, dix, je hurle mais elle continue de rire sans m’entendre. Furieux, je me lance vers elle et la prends dans mes bras pour m’assurer qu’elle est bien réelle ; mais tout ce que je réussis à faire est de tomber à plat ventre sur le vieux parquet sombre. Et elle continue de rire de bon coeur. Elle rit, elle rit...
Je viens de comprendre.
Comment est-ce arrivé... Je le sais sans le savoir.
Pour chaque chose obtenue, il faut se séparer d’une autre.
Ce soir, j’ai abandonné mon existence. »
19 Mai 1925 – Edward Elric
Hagane no Sonzai
Existence d'acier
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Dernière édition par Miyu-chan le Ven 29 Oct - 18:47, édité 1 fois
Miyu-chan- Lecteur de Prospectus
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Re: Hagane no Jikan [FullMetal Alchemist]
Chapitre 1 : Glacée, la pluie
« Le début de la décadence ? Ca y est, je me souviens... Tout a commencé lorsque le désarroi et le manque nous ont envahis à nouveau. Lorsque dans un moment de faiblesse, le hasard, sournois et vicieux, en profite pour vous donner les clés empoisonnées d'un nouveau monde.
C'était un jour d'automne pluvieux de l'année 1919... »
Les gouttes d'eau frappaient violemment le carreau fissuré par endroits. Un coup de tonnerre suffit à réveiller le jeune homme assis sur la vieille banquette en cuir de la cabine.
Edward cligna des yeux à plusieurs reprises le temps de sortir de son sommeil lourd, agréable et s'apercevoir que le train roulait encore. La mélodie de la pluie l'avait bercé et il ne savait combien de temps il avait dormi ni où il était arrivé.
L'ex-alchimiste de métal souriait. C'était si bon de rentrer chez soi... Après deux ans de voyage. Il avait hâte de tous les revoir. Comment Alphonse se portait-il ? Comment Winry allait-elle ?
Et cette vieille bique de Pinako ? Le sourire d'Edward s'élargit et il tourna la tête vers le paysage flou et pluvieux qu'offrait la petite fenêtre, tremblotant à cause des quelques secousses régulières du wagon. Le périple fut long et passionnant. Il avait énormément appris sur l'alchimie, ses particularités, étudié certains cercles de transmutation un peu spéciaux. Des choses immatérielles pouvaient alors s'échanger.
Selon un mythe en Amestris occidentale, les pulsions humaines pourraient, par diverses alchimies – souvent occultes – se matérialiser et ainsi être sujettes à des transmutations.
Mais... Tout cela appartenait au domaine du fantasme. Edward eût toutefois aimé en savoir plus, cependant lui-même étant un des rares scientifiques à connaître tout cela, il n'en apprendrait pas davantage. Il s'était alors tourné vers la mécanique non-alchimique, intéressé aux nouvelles énergies, aux propriétés physico-chimiques de différents gaz puisque, malgré son intérêt toujours ardent pour la science d'Amestris, il ne pouvait – et ne pourrait sans doute jamais – transmuter.
Evidemment que cela l'incommodait ! Il ne s'y habituait toujours pas depuis ces deux dernières années, mais il ne regrettait rien. Pour faire revenir Alphonse il eût donné sa vie. Alors bien sûr, perdre ce à cause de quoi sa jambe était amputée – entre autre choses – lui apparaissait presque comme un cadeau.
« Tout ça, c'est terminé » murmura-t-il pour lui-même, perdu dans ses pensées. La fin de l'aventure se trouvait devant lui, il ne transmuterait plus jamais. Al avait retrouvé un corps, Winry et Pinako étaient heureuse. Tout se déroulait au mieux.
Il passerait désormais sa vie à apprendre, rechercher, voyager et s'occuper des siens. Tout était bien. Tout allait bien.
Peut-être mettrait-il à profit ses connaissances pour l'armée, maintenant qu'elle n'était plus sous l'emprise de Père et des homonculi. Il devait en parler à Al...
Une voix retentit alors dans le wagon et manqua de le faire sursauter, annonçant qu'il était seize heures et que le train arrivait à Resembool. Edward fut pris d'une petite angoisse à l'idée de tous les revoir, du moins Winry et Pinako, après deux ans d'absence. Quant à son frère, il ne savait toujours pas s'il était revenu de Xing ou non. Son dernier coup de fil datant d'il y a six mois, celui-ci lui avait dit vouloir faire son possible pour revenir en même temps que lui.
Le train siffla et Ed se leva lentement, grimaçant sous la douleur de ses courbatures et tenant ses côtes. Il pesta intérieurement contre cette banquette inconfortable et se décida à sortir, traînant sa valise. La pluie tombait toujours.
Une fois dehors et sous les gouttes d'eau glacées, Ed soupira. Enfin ! Le voyage fut vraiment long, il avait perdu l'habitude des grands trajets comme ceux-là. Le jeune homme fut tout d'un coup pris dans un vent de nostalgie morose. Il sourit faiblement en repensant à toutes ses péripéties avec Alphonse, encore dans son armure à l'époque l'époque où il s'exaspérait chaque fois qu'Al dissimulait un chat ou deux dans son armure et qu'il devait payer lorsqu'un contrôleur curieux jetait un œil à l'intérieur et les grondait pour ne pas s'être acquittés d'un billet par animal.
Un petit rire lui échappa et il se mit en marche. La maison des Rockbell était un peu floue au loin, mais le simple fait de l'apercevoir le remplissait de bonheur. Dommage que le beau temps ne fût pas au rendez-vous...
Le tonnerre gronda.
La demeure de son enfance devenait de plus en plus visible, proche. Edward crut même apercevoir la fine silhouette et la chevelure platine de Winry il accéléra légèrement.
Elle ne bougeait pas, ne l'entendait pas et semblait fixer quelque chose au sol. Un peu perplexe, Ed l'interpella.
« Winry ! Winry ? »
Cette dernière ne se retourna pas, ce qui inquiéta Edward au fur et à mesure qu'il s'en approchait. Quelque chose lui échappait...
Parvenu enfin à quelques mètres d'elle, il l'appela à nouveau, d'une voix sourde.
« Winry ? »
Elle se retourna et le blond écarquilla les yeux de surprise en apercevant ses yeux rougis, les larmes couler aussi vivement que tombait la pluie, le visage déformé par un sanglot, ses dents teintées de pourpre et mordant violemment sa lèvre inférieure, à sang.
« Qu'est-ce que...
— Edward... Ed... Je ne sais pas quoi faire ! Aide-moi, aide-la, fais-la revenir je t'en supplie...
— Pousse-toi ! Montre-moi...
— Elle ne l'est pas... Hein ? Dis-le-moi, Edward, dis-le et je te croirai. Dis-moi qu'elle n'est pas... »
Winry recula d'un pas et le temps, la pluie, le vent, ses sanglots s'arrêtèrent. La valise de l'alchimiste s'écrasa lourdement sur le sol boueux.
Pinako gisait à terre.
Le panier était renversé et des prunes mûres s'éparpillaient un peu partout. Le petit corps frêle demeurait allongé à plat ventre sur la boue, inerte. Une image vint troubler la vision d'horreur qu'avait Ed à l'instant.
Une porte entr'ouverte laissant les couleurs du crépuscule éclairer l'entrée. Des pommes et des tomates partout. Un panier d'osier ici, des clés de maison là. Une silhouette allongée sous la lueur rouge du soleil, des cheveux bruns et soyeux couvrant la tête.
« Maman ? »
Il avait l'impression de revivre la tragédie.
« Mamie ? »
Les cris et les pleurs se répétaient, tel un écho.
« Non... NON ! »
On revenait en arrière.
« Dis-moi qu'elle n'est pas morte... Ed ! »
Ce dernier s'agenouilla et un frisson glacé le parcourut lorsque ses genoux plongèrent dans la boue. Tremblant, haletant, il se hâta de prendre le poignet déjà froid de celle qui l'avait élevé et appuya dessus avec deux doigts gelés. Il attendit dans l'espoir de sentir un battement, un flux de sang traverser son artère.
Et rien.
Le blond lâcha prise et souffla frénétiquement dans ses paumes histoire de les réchauffer et de mieux percevoir un quelconque pouls. Au bout de quelques secondes, il répéta les mêmes gestes.
Et rien.
Mamie était morte.
Le visage d'Edward se crispa et ses yeux s'agrandirent. Plus rien ne bougeait, excepté la pluie qui le martelait et qui semblait, par le seul poids de ses gouttes d'eau, l'enfoncer lentement dans le sol. Instinctivement, son visage se leva et son regard parcourut la robe brodée de Winry, ses bras presque bleus de froid, son menton tremblant, sa lèvre ensanglantée, ses tristes saphirs qui l'observaient avec un espoir. Effrayé, il secoua lentement la tête de droite à gauche, laissant une larme bouillante se fondre dans la pluie caressant violemment son visage.
Il s'y attendait. Winry se laissa choir à même le sol et encadra le corps de la défunte de ses deux bras.
« Tu mens...
— Winry je...
— Mens-moi ! »
Ed laissa un sanglot silencieux s'échapper de ses lèvres.
Ils ne surent combien de temps ils restèrent ainsi, immobiles et laissant leur désarroi rouler sur leurs joues au rythme de la pluie battante.
Un villageois les aperçut plus tard, vint s'informer et informer les autres habitants. Le corps de Pinako fut transporté jusqu'à son domicile et Winry partit se reposer. Quant à Edward, il observait passivement se dérouler la mort de sa guérisseuse.
Il n'avait plus le courage de pleurer. Assis dans le canapé du grand salon des Rockbell, toutes les choses sur lesquelles il portait son regard lui rappelaient la triste réalité. Il y avait par là une photo les réunissant, enfants... Prise par Pinako. A droite, sur la table était posée la pipe qu'Alphonse et lui lui avaient offerte avec leur premier salaire de militaire. Et à ses pieds, Den dormait paisiblement sans se douter qu'il avait perdu sa maîtresse à jamais.
Edward n'arrivait pas à trouver cela injuste. Ce qui l'était, c'était très certainement la tristesse dans laquelle Winry et lui étaient enlisés. Et qu'allait dire Al, à son retour – prévu le jour même, selon leur amie ? Il avait déjà peur de sa réaction.
Il se prit la tête entre les mains, en proie aux regrets.
Ceux d'avoir été absent.
Une larme, parmi tant d'autres, se fraya un chemin sur sa joue.
Il était lassé de tout ça. Devoir faire face à la réalité et se relever, toujours, tenir debout sur une jambe de chair et une autre métallique. Ed se forçait à ne pas penser à Winry et ses larmes, ou alors il faisait résonner ses rires dans sa tête. C'était lâche, oui. Mais il en avait assez d'être courageux et de tout affronter. L'homme d'acier avait ses faiblesses. Les questions demeurant sans réponses se firent de moins en moins bruyantes dans son esprit et laissèrent la tristesse d'avoir perdu une partie de lui s'épanouir.
Winry ne tarda pas à se réveiller et à descendre au rez-de-chaussée. Le blond n'osa un regard lorsqu'elle prit place à ses côtés et tourna les yeux vers lui. Ed baissa la tête et dissimula son visage atterré avec quelques mèches dorées.
« Ed... Regarde-moi.
— Non.
— C'est comme ça Ed, il va falloir s'y faire.
— NON ! » gueula ce dernier, dans un cri à la fois indigné, blessé et surpris. Depuis quand était-ce Winry qui le ramenait à la réalité ? N'était-ce pas lui, habituellement, qui se permettait ce genre de déclarations ?
Il se sentait si faible. Résigné, il osa un coup d'œil.
Tout cela n'était qu'une façade Winry pleurait encore et un sourire pathétique s'était collé à ses lèvres. Il avait eu tort de relever les yeux vers elle.
La petite communauté de Resembool, maintenant au courant du triste évènement, s'activait pour assister à l'enterrement de la doyenne du village. Nelly, la voisine, était venue aider Winry à préparer le corps de Pinako pour sa demeure éternelle. La blonde n'avait pas tenu longtemps face à la dépouille et s'effondra.
La pluie n'avait pas cessé. Une cinquantaine de personnes se tenait debout sous elle, vêtues de noir et aux premières loges, on pouvait distinguer les silhouettes d'Edward et Winry. L'enterrement était silencieux. La blonde fermait les yeux de toutes ses forces et l'ex-alchimiste fixait la scène, pantois. Il entendit un sanglot ou deux, quelques paroles réconfortantes. Puis soudain, une main chaude se posa sur son épaule et le fit se retourner.
« Alphonse ? »
Ce dernier arborait un air grave et fixait le sol, habillé de noir, lui aussi. Ses cheveux semblaient ternes dans l'obscurité de la pluie et quelques capillaires se collaient à son front. Il se mordait légèrement la lèvre inférieure pour l'empêcher de trembler et resserra sa prise sur l'omoplate de son frère. Le temps commençait à marquer ses traits et il était toujours un peu plus grand que son aîné. Son visage devenait moins enfantin et on sentait là un vécu et une expérience plus abondants qu'ils ne devraient l'être à dix-neuf ans.
Le silence loquace s'étant installé entre les frères fut alors, au bout de quelques minutes, rompu par Winry qui se jetait désespérément sur eux, rabattant son chagrin sur leurs épaules.
Les villageois partaient un à un lorsque se termina le deuil, jusqu'à ne laisser que les trois amis face à la tombe fraîchement recouverte. La scène d'il y a quinze ans semblait se répéter...
Il faisait désormais nuit, et lentement, Ed, Al et Winry rebroussèrent chemin en silence et s'installèrent dans la pièce principale de la demeure sans un mot.
C'était vide. C'était laid. Mais il fallait s'y faire, c'était la seule possibilité. Pinako disparaissait. Aucun d'eux n'avait idée de comment allait être le lendemain, ni les jours suivants. Ils demeuraient prisonniers du souvenir de la Rockbell.
Alphonse s'éclaircit la gorge, rompant ce calme funeste.
« Je ne sais pas si c'est le moment pour l'annoncer, mais... Ed, je suis passé par East City en revenant. Je suis parti voir Général Mustang, et j'ai des choses à te dire.
— Je t'écoute ? murmura la voix rauque d'Edward.
— Mustang nous propose un poste particulier à l'armée. Avec mon alchimie, mes bases en élixirologie et tes connaissances acquises à West City, nous pourrions travailler pour le compte de la recherche.
— Je vois...
— Nous devrions nous rendre à East City lorsque nous aurons pris un peu de repos.
— Vous allez partir ? » intervint Winry.
Le silence se fit à nouveau. Personne ne savait quoi dire, ni elle, ni eux. Alors, sans réfléchir, Ed annonça :
« On part voir ce que nous veut Mustang, on revient et on t'emmène avec nous. »
« Le début de la fin, la fin du commencement. Si j'avais su ce qui m'attendait à East City... Je m'y serais rendu plus tôt encore.
Foncer dans le mur... Et de mon plein gré. »
Hagane no Ame
Pluie d'acier
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« Le début de la décadence ? Ca y est, je me souviens... Tout a commencé lorsque le désarroi et le manque nous ont envahis à nouveau. Lorsque dans un moment de faiblesse, le hasard, sournois et vicieux, en profite pour vous donner les clés empoisonnées d'un nouveau monde.
C'était un jour d'automne pluvieux de l'année 1919... »
Les gouttes d'eau frappaient violemment le carreau fissuré par endroits. Un coup de tonnerre suffit à réveiller le jeune homme assis sur la vieille banquette en cuir de la cabine.
Edward cligna des yeux à plusieurs reprises le temps de sortir de son sommeil lourd, agréable et s'apercevoir que le train roulait encore. La mélodie de la pluie l'avait bercé et il ne savait combien de temps il avait dormi ni où il était arrivé.
L'ex-alchimiste de métal souriait. C'était si bon de rentrer chez soi... Après deux ans de voyage. Il avait hâte de tous les revoir. Comment Alphonse se portait-il ? Comment Winry allait-elle ?
Et cette vieille bique de Pinako ? Le sourire d'Edward s'élargit et il tourna la tête vers le paysage flou et pluvieux qu'offrait la petite fenêtre, tremblotant à cause des quelques secousses régulières du wagon. Le périple fut long et passionnant. Il avait énormément appris sur l'alchimie, ses particularités, étudié certains cercles de transmutation un peu spéciaux. Des choses immatérielles pouvaient alors s'échanger.
Selon un mythe en Amestris occidentale, les pulsions humaines pourraient, par diverses alchimies – souvent occultes – se matérialiser et ainsi être sujettes à des transmutations.
Mais... Tout cela appartenait au domaine du fantasme. Edward eût toutefois aimé en savoir plus, cependant lui-même étant un des rares scientifiques à connaître tout cela, il n'en apprendrait pas davantage. Il s'était alors tourné vers la mécanique non-alchimique, intéressé aux nouvelles énergies, aux propriétés physico-chimiques de différents gaz puisque, malgré son intérêt toujours ardent pour la science d'Amestris, il ne pouvait – et ne pourrait sans doute jamais – transmuter.
Evidemment que cela l'incommodait ! Il ne s'y habituait toujours pas depuis ces deux dernières années, mais il ne regrettait rien. Pour faire revenir Alphonse il eût donné sa vie. Alors bien sûr, perdre ce à cause de quoi sa jambe était amputée – entre autre choses – lui apparaissait presque comme un cadeau.
« Tout ça, c'est terminé » murmura-t-il pour lui-même, perdu dans ses pensées. La fin de l'aventure se trouvait devant lui, il ne transmuterait plus jamais. Al avait retrouvé un corps, Winry et Pinako étaient heureuse. Tout se déroulait au mieux.
Il passerait désormais sa vie à apprendre, rechercher, voyager et s'occuper des siens. Tout était bien. Tout allait bien.
Peut-être mettrait-il à profit ses connaissances pour l'armée, maintenant qu'elle n'était plus sous l'emprise de Père et des homonculi. Il devait en parler à Al...
Une voix retentit alors dans le wagon et manqua de le faire sursauter, annonçant qu'il était seize heures et que le train arrivait à Resembool. Edward fut pris d'une petite angoisse à l'idée de tous les revoir, du moins Winry et Pinako, après deux ans d'absence. Quant à son frère, il ne savait toujours pas s'il était revenu de Xing ou non. Son dernier coup de fil datant d'il y a six mois, celui-ci lui avait dit vouloir faire son possible pour revenir en même temps que lui.
Le train siffla et Ed se leva lentement, grimaçant sous la douleur de ses courbatures et tenant ses côtes. Il pesta intérieurement contre cette banquette inconfortable et se décida à sortir, traînant sa valise. La pluie tombait toujours.
Une fois dehors et sous les gouttes d'eau glacées, Ed soupira. Enfin ! Le voyage fut vraiment long, il avait perdu l'habitude des grands trajets comme ceux-là. Le jeune homme fut tout d'un coup pris dans un vent de nostalgie morose. Il sourit faiblement en repensant à toutes ses péripéties avec Alphonse, encore dans son armure à l'époque l'époque où il s'exaspérait chaque fois qu'Al dissimulait un chat ou deux dans son armure et qu'il devait payer lorsqu'un contrôleur curieux jetait un œil à l'intérieur et les grondait pour ne pas s'être acquittés d'un billet par animal.
Un petit rire lui échappa et il se mit en marche. La maison des Rockbell était un peu floue au loin, mais le simple fait de l'apercevoir le remplissait de bonheur. Dommage que le beau temps ne fût pas au rendez-vous...
Le tonnerre gronda.
La demeure de son enfance devenait de plus en plus visible, proche. Edward crut même apercevoir la fine silhouette et la chevelure platine de Winry il accéléra légèrement.
Elle ne bougeait pas, ne l'entendait pas et semblait fixer quelque chose au sol. Un peu perplexe, Ed l'interpella.
« Winry ! Winry ? »
Cette dernière ne se retourna pas, ce qui inquiéta Edward au fur et à mesure qu'il s'en approchait. Quelque chose lui échappait...
Parvenu enfin à quelques mètres d'elle, il l'appela à nouveau, d'une voix sourde.
« Winry ? »
Elle se retourna et le blond écarquilla les yeux de surprise en apercevant ses yeux rougis, les larmes couler aussi vivement que tombait la pluie, le visage déformé par un sanglot, ses dents teintées de pourpre et mordant violemment sa lèvre inférieure, à sang.
« Qu'est-ce que...
— Edward... Ed... Je ne sais pas quoi faire ! Aide-moi, aide-la, fais-la revenir je t'en supplie...
— Pousse-toi ! Montre-moi...
— Elle ne l'est pas... Hein ? Dis-le-moi, Edward, dis-le et je te croirai. Dis-moi qu'elle n'est pas... »
Winry recula d'un pas et le temps, la pluie, le vent, ses sanglots s'arrêtèrent. La valise de l'alchimiste s'écrasa lourdement sur le sol boueux.
Pinako gisait à terre.
Le panier était renversé et des prunes mûres s'éparpillaient un peu partout. Le petit corps frêle demeurait allongé à plat ventre sur la boue, inerte. Une image vint troubler la vision d'horreur qu'avait Ed à l'instant.
Une porte entr'ouverte laissant les couleurs du crépuscule éclairer l'entrée. Des pommes et des tomates partout. Un panier d'osier ici, des clés de maison là. Une silhouette allongée sous la lueur rouge du soleil, des cheveux bruns et soyeux couvrant la tête.
« Maman ? »
Il avait l'impression de revivre la tragédie.
« Mamie ? »
Les cris et les pleurs se répétaient, tel un écho.
« Non... NON ! »
On revenait en arrière.
« Dis-moi qu'elle n'est pas morte... Ed ! »
Ce dernier s'agenouilla et un frisson glacé le parcourut lorsque ses genoux plongèrent dans la boue. Tremblant, haletant, il se hâta de prendre le poignet déjà froid de celle qui l'avait élevé et appuya dessus avec deux doigts gelés. Il attendit dans l'espoir de sentir un battement, un flux de sang traverser son artère.
Et rien.
Le blond lâcha prise et souffla frénétiquement dans ses paumes histoire de les réchauffer et de mieux percevoir un quelconque pouls. Au bout de quelques secondes, il répéta les mêmes gestes.
Et rien.
Mamie était morte.
Le visage d'Edward se crispa et ses yeux s'agrandirent. Plus rien ne bougeait, excepté la pluie qui le martelait et qui semblait, par le seul poids de ses gouttes d'eau, l'enfoncer lentement dans le sol. Instinctivement, son visage se leva et son regard parcourut la robe brodée de Winry, ses bras presque bleus de froid, son menton tremblant, sa lèvre ensanglantée, ses tristes saphirs qui l'observaient avec un espoir. Effrayé, il secoua lentement la tête de droite à gauche, laissant une larme bouillante se fondre dans la pluie caressant violemment son visage.
Il s'y attendait. Winry se laissa choir à même le sol et encadra le corps de la défunte de ses deux bras.
« Tu mens...
— Winry je...
— Mens-moi ! »
Ed laissa un sanglot silencieux s'échapper de ses lèvres.
Ils ne surent combien de temps ils restèrent ainsi, immobiles et laissant leur désarroi rouler sur leurs joues au rythme de la pluie battante.
Un villageois les aperçut plus tard, vint s'informer et informer les autres habitants. Le corps de Pinako fut transporté jusqu'à son domicile et Winry partit se reposer. Quant à Edward, il observait passivement se dérouler la mort de sa guérisseuse.
Il n'avait plus le courage de pleurer. Assis dans le canapé du grand salon des Rockbell, toutes les choses sur lesquelles il portait son regard lui rappelaient la triste réalité. Il y avait par là une photo les réunissant, enfants... Prise par Pinako. A droite, sur la table était posée la pipe qu'Alphonse et lui lui avaient offerte avec leur premier salaire de militaire. Et à ses pieds, Den dormait paisiblement sans se douter qu'il avait perdu sa maîtresse à jamais.
Edward n'arrivait pas à trouver cela injuste. Ce qui l'était, c'était très certainement la tristesse dans laquelle Winry et lui étaient enlisés. Et qu'allait dire Al, à son retour – prévu le jour même, selon leur amie ? Il avait déjà peur de sa réaction.
Il se prit la tête entre les mains, en proie aux regrets.
Ceux d'avoir été absent.
Une larme, parmi tant d'autres, se fraya un chemin sur sa joue.
Il était lassé de tout ça. Devoir faire face à la réalité et se relever, toujours, tenir debout sur une jambe de chair et une autre métallique. Ed se forçait à ne pas penser à Winry et ses larmes, ou alors il faisait résonner ses rires dans sa tête. C'était lâche, oui. Mais il en avait assez d'être courageux et de tout affronter. L'homme d'acier avait ses faiblesses. Les questions demeurant sans réponses se firent de moins en moins bruyantes dans son esprit et laissèrent la tristesse d'avoir perdu une partie de lui s'épanouir.
Winry ne tarda pas à se réveiller et à descendre au rez-de-chaussée. Le blond n'osa un regard lorsqu'elle prit place à ses côtés et tourna les yeux vers lui. Ed baissa la tête et dissimula son visage atterré avec quelques mèches dorées.
« Ed... Regarde-moi.
— Non.
— C'est comme ça Ed, il va falloir s'y faire.
— NON ! » gueula ce dernier, dans un cri à la fois indigné, blessé et surpris. Depuis quand était-ce Winry qui le ramenait à la réalité ? N'était-ce pas lui, habituellement, qui se permettait ce genre de déclarations ?
Il se sentait si faible. Résigné, il osa un coup d'œil.
Tout cela n'était qu'une façade Winry pleurait encore et un sourire pathétique s'était collé à ses lèvres. Il avait eu tort de relever les yeux vers elle.
La petite communauté de Resembool, maintenant au courant du triste évènement, s'activait pour assister à l'enterrement de la doyenne du village. Nelly, la voisine, était venue aider Winry à préparer le corps de Pinako pour sa demeure éternelle. La blonde n'avait pas tenu longtemps face à la dépouille et s'effondra.
La pluie n'avait pas cessé. Une cinquantaine de personnes se tenait debout sous elle, vêtues de noir et aux premières loges, on pouvait distinguer les silhouettes d'Edward et Winry. L'enterrement était silencieux. La blonde fermait les yeux de toutes ses forces et l'ex-alchimiste fixait la scène, pantois. Il entendit un sanglot ou deux, quelques paroles réconfortantes. Puis soudain, une main chaude se posa sur son épaule et le fit se retourner.
« Alphonse ? »
Ce dernier arborait un air grave et fixait le sol, habillé de noir, lui aussi. Ses cheveux semblaient ternes dans l'obscurité de la pluie et quelques capillaires se collaient à son front. Il se mordait légèrement la lèvre inférieure pour l'empêcher de trembler et resserra sa prise sur l'omoplate de son frère. Le temps commençait à marquer ses traits et il était toujours un peu plus grand que son aîné. Son visage devenait moins enfantin et on sentait là un vécu et une expérience plus abondants qu'ils ne devraient l'être à dix-neuf ans.
Le silence loquace s'étant installé entre les frères fut alors, au bout de quelques minutes, rompu par Winry qui se jetait désespérément sur eux, rabattant son chagrin sur leurs épaules.
Les villageois partaient un à un lorsque se termina le deuil, jusqu'à ne laisser que les trois amis face à la tombe fraîchement recouverte. La scène d'il y a quinze ans semblait se répéter...
Il faisait désormais nuit, et lentement, Ed, Al et Winry rebroussèrent chemin en silence et s'installèrent dans la pièce principale de la demeure sans un mot.
C'était vide. C'était laid. Mais il fallait s'y faire, c'était la seule possibilité. Pinako disparaissait. Aucun d'eux n'avait idée de comment allait être le lendemain, ni les jours suivants. Ils demeuraient prisonniers du souvenir de la Rockbell.
Alphonse s'éclaircit la gorge, rompant ce calme funeste.
« Je ne sais pas si c'est le moment pour l'annoncer, mais... Ed, je suis passé par East City en revenant. Je suis parti voir Général Mustang, et j'ai des choses à te dire.
— Je t'écoute ? murmura la voix rauque d'Edward.
— Mustang nous propose un poste particulier à l'armée. Avec mon alchimie, mes bases en élixirologie et tes connaissances acquises à West City, nous pourrions travailler pour le compte de la recherche.
— Je vois...
— Nous devrions nous rendre à East City lorsque nous aurons pris un peu de repos.
— Vous allez partir ? » intervint Winry.
Le silence se fit à nouveau. Personne ne savait quoi dire, ni elle, ni eux. Alors, sans réfléchir, Ed annonça :
« On part voir ce que nous veut Mustang, on revient et on t'emmène avec nous. »
« Le début de la fin, la fin du commencement. Si j'avais su ce qui m'attendait à East City... Je m'y serais rendu plus tôt encore.
Foncer dans le mur... Et de mon plein gré. »
Hagane no Ame
Pluie d'acier
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Miyu-chan- Lecteur de Prospectus
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Re: Hagane no Jikan [FullMetal Alchemist]
Chapitre 2 : Tortueux, le chemin
« Alphonse et moi allions repartir à l’armée et plus nos petites vacances à Resembool s’écourtaient, plus j’en devenais anxieux ; comme si mon esprit sentait au loin le bouleversement qui m’attendait... »
« Passe-moi le tournevis, s’il te plait.
— Voilà...
— Merci, Edward. »
Winry semblait un peu sèche, pensa le blond. Il savait très bien pourquoi : ils allaient repartir et la laisser ici. Ed n’en avait aucune envie mais il le fallait ; tant qu’il ne savait pas ce qui l’attendait à East City, elle resterait ici et en sécurité. Forcément, après deux années d’exil dans les archives et bibliothèques de l’Ouest entrecoupées de quelques coups de fil extrêmement courts du Général Mustang, il ne savait pas tellement ce que devenait le gouvernement amestrian. L’alchimiste de flamme semblait s’en sortir, toujours accompagné de son équipe. Mais il ne connaissait rien de plus à la situation actuelle.
Cela faisait presque un mois qu’ils étaient de retour. Le temps se rafraîchissait dehors ; on avait sorti manteaux de fourrure et gants en cuir. La neige ne tombait pas encore mais cela ne saurait tarder ; le ciel était souvent couvert et immaculé. Depuis la mort de Pinako, la maison Rockbell se construisait une nouvelle vie, petit à petit et sans précipitation. Winry avait repris l’atelier d’automails avec l’aide d’Edward tandis qu’Alphonse s’occupait à reconstruire la maison Elric. L’aîné fut tout d’abord réticent mais son petit frère insistait, prétextant que « nous n’allions tout de même pas occuper la maison Rockbell toute notre vie ». Et lorsque Winry assurait que cela la ravissait plus qu’autre chose, il contournait habilement le sujet de conversation. Ce fut alors avec l’aide des maçons de Resembool qu’il se mit à édifier la future maison de ses propres mains, refusant d’utiliser l’alchimie.
Edward ne se posait pas plus de questions ; il se contentait d’appliquer ses nouvelles connaissances en métaux rares et en mécanique aux greffes bioniques afin de les perfectionner. La blonde fut d’abord indignée de recevoir des leçons sur sa propre passion puis finalement, elle accepta l’entraide... D’autant plus qu’avec les récents évènements, ils ne se chamaillaient presque plus. Presque.
« Mais qu’est-ce que t’as foutu avec la pièce numéro quinze, Ed ?
— J’ai réduit son épaisseur pour diminuer l’encombrement ! Et comme ça, on fera une pièce quinze bis qui sera ajoutée juste en dessous pour augmenter la mobilité !
— L’automail est bien plus fragile comme ça ! protesta la blonde.
— Très bien, madame Je-Sais-Tout, démerde-toi ! Moi je m’en vais buller dans le salon, tiens !
— C’est ça, vire !
— Monstre, marmonna Ed tout en se relevant.
— Répète un peu, mini-plancton ?
— Je ne suis pas petit, je te dépasse en taille ! » répliqua ce dernier en pointant un doigt accusateur vers le nez droit de Winry.
A présent debout sur son vieux tabouret en bois, celle-ci, à la faible lumière de la lampe à huile posée sur son plan de travail et croulant presque sous la mare de clous et de tournevis se pencha narquoisement vers son coéquipier, trônant alors à quelques dizaines de centimètres de sa tignasse dorée.
« Mais Al est plus grand, comment expliques-tu ça ?
— Lâche-moi la grappe... finit-il par déclarer, las.
— Hé attends, te barres pas avec la quinze ! »
Edward s’aperçut que la petite pièce métallique demeurait enserrée dans sa main. Avec un léger sourire il lança sur le ton du défi :
« Attrape-moi si tu peux ! »
Le blond ouvrit la porte de l’atelier dans un énorme fracas et se précipita à l’extérieur, un énorme sourire narquois aux lèvres. Ce fut alors le début de la course-poursuite dehors, attirant l’oreille d’Alphonse non loin.
« C’est de la triche, tu as un automail à la jambe et moi non !
— Je t’en fais cadeau si tu veux ! »
Edward ne pensait pas vraiment ce qu’il disait. Avec le temps, il s’était fait à l’idée de n’avoir qu’une seule véritable jambe. Cet automail, il l’avait tout simplement mérité. C’était la sentence qui l’attendait après avoir transmuté sa mère.
Le perdre serait comme renoncer à la leçon de vie qu’il avait acquise. Bien entendu, pour le bras c’était différent. C’était pour Alphonse. C’était un sacrifice. La jambe... C’était une connerie. Comme on confisquait un jouet à un enfant, on la lui avait prise à jamais et il ne ferait rien pour la récupérer.
Ses pensées se perdaient et il s’était arrêté sans s’en apercevoir, les yeux levés vers le ciel immaculé. Une masse se jeta sur lui, le fit tomber au sol et sur le dos. Quelques vertèbres se plaignirent et le froid parcourut vivement sa peau, hérissant ses poils blonds. Winry ne se relevait pas et l’étreignait de toutes ses forces, la tête enfouie dans son cou. Sanglotait-elle... ?
« Prenez soin de vous, idiots ! »
Edward se tut et se contenta de glisser une main le long du dos de la blonde. Il devait revenir. Il allait revenir. La laisser seule ici serait un crime.
Le temps lui était compté. Ils allaient juste voir Mustang et... C’est tout.
Revenir, et vite.
Le départ était pour l’aube... Les secondes s’écoulaient silencieusement. Un sentiment étrange naquit peu à peu dans son esprit, comme s’il se rendait compte pour la toute première fois que le temps allait toujours vers l’avant sans s’arrêter, s’accélérer ou encore ralentir. Sans attendre les retardataires – c’était tant pis pour eux ! Il courait, courait et sa course ne prenait jamais fin. La Terre tournait sans arrêt, les aiguilles de chaque horloge trottaient pour toujours et aucun cadran n’était épargné... Ses souffles prenaient vie, mouraient dans l’instant et ce cycle se répétait inlassablement. Un geste qu’il continuerait d’exécuter encore et encore jusqu’à ce que mort s’ensuive et puis...
Le reste du monde respirera sans lui, et cætera, et cætera.
Le temps passait et Ed trouvait cela affreux.
A présent, ils étaient tous les trois dans la salle principale de la demeure des Rockbell. Winry observait silencieusement les frères Elric converser sur leur départ proche, assis sur le vieux canapé orange. Elle savait qu’il était égoïste de penser ainsi mais elle n’avait aucune envie de les voir partir, même en sachant pertinemment qu’ils allaient revenir. Parce qu’elle resterait là, seule sans eux et sans Pinako à attendre ne serait-ce que quelques jours... La peur prenait possession de son esprit. Comment allait-elle patienter ? Ferait-elle semblant d’aller bien et d’ignorer les cauchemars qui la hantent toutes les nuits ? Allait-elle devenir schizophrène ? Comment tenir...
Durant tout ce temps, Al l’observait avec un petit sourire.
« Faut pas t’en faire, on reviendra ! Arrête de te torturer l’esprit. »
Winry ignorait si son mal-être était aussi visible mais elle ne put retenir un sourire à son tour. A défaut de ne pas s’inquiéter, elle devait les rassurer. La blonde acquiesça silencieusement et annonça qu’il était grand temps de dîner avant de s’éclipser dans la cuisine.
« Tu crois que ça ira ? »
Alphonse se tourna vers son frère, le regard décidé.
« On a intérêt à faire vite » déclara ce dernier d’un ton assuré.
Il devait l’avouer ; l’inquiétude l’avait gagné. Mais il fallait absolument qu’il parte à East City avec Edward sur la demande du Général Mustang. Ils avaient déjà du travail et selon leur supérieur, eux seuls étaient capables de l’accomplir. Al était évidemment curieux de savoir de quoi il s’agissait. S’il avait également fait appel à Edward, cela promettait d’être intéressant. Ed connaissait désormais bien plus de choses sur l’alchimie alors que lui avait été contraint de la laisser de côté pour apprendre l’élixirologie auprès de Mei Chang.
« Dis-moi Ed...
— Hum ?
— Tu as appris beaucoup de choses à l’ouest, n’est-ce pas ? »
Le cadet le vit sourire.
« Tu peux pas savoir. C’est incroyable... L’alchimie est vraiment une science infinie. Ce qu’on a appris n’était rien d’autre qu’une façade. En réalité, il existe des choses bien plus profondes et inaccessibles... Du moins, pas pour tout le monde.
— Et tu y a accès, toi ?
— Je... n’en sais rien. J’ai comme l’impression que quelque chose m’échappe...
— Comment ça ?
— Il n’y a pas que des vies et de vulgaires matériaux qui peuvent s’échanger, annonça l’ex-alchimiste avec une lueur d’excitation dans ses yeux ambre. Je ne sais pas où ça pourrait nous mener – nulle part pour moi, puisque je ne transmute plus.
— Qui sait » tenta Al.
Pensif et son bras droit lourdement posé sur l’accoudoir, Edward le fixa longuement.
« Je sais ce que tu vas me dire, Al. »
Silence.
« Tu vas me dire que je pourrai peut-être récupérer mon alchimie. Mais...
— Tu n’en a pas envie ?
— Je ne sais pas.
— Pourtant ça a l’air de t’incommoder grandement...
— Ne dis pas ça, coupa Ed. Ce pouvoir, c’était rien face au retour de ton corps. Fin de la discussion. »
L’aîné se leva en fourrant les mains dans les poches de sa combinaison de travail grise, tourna les talons et partit vers la cuisine après avoir marmonné un :
« On prend le train de sept heures demain. »
Alphonse garda le silence. Ed n’allait pas bien et cela se voyait. Etait-ce la perspective de retourner à l’armée qui le rendait aussi anxieux ? Il osait espérer que ce n’était rien de plus.
« T’es sûre que ça ira ? Pourquoi tu ne veux pas rester chez Nelly, le temps qu’on revienne ?
— Nan, que dalle. Et les automails ? Je suis la seule à m’occuper de tout ça convenablement maintenant et c’est la source de nos vivres, je ne peux pas me permettre de fermer pour une durée aussi incertaine qu’est celle de votre voyage à East City.
— Tu vas rester seule ici alors » demanda Ed une nouvelle fois.
Winry ferma les yeux un instant puis tourna vers lui un visage qu’elle voulait rayonnant. Dans un grand sourire, elle répéta que tout irait pour le mieux et qu’il devait plutôt se soucier de sa réinsertion dans l’armée amestrianne.
Aussitôt dit, elle enfila ses gants de cuisine et demanda au blond de mettre la table.
« Al ! Viens m’aider. »
Le dîner fut un peu plus animé que ceux des jours précédents ; il allait se passer plusieurs jours – si ce ne fut plusieurs semaines – avant un retour à la normale. Autant en profiter.
Cependant, Ed demeurait silencieux et s’éclipsa dans sa chambre immédiatement après avoir mangé.
Le jeune homme ne prit pas la peine d’allumer la lumière et se contenta de s’affaler sur le vieux fauteuil, dont les motifs fleuris s’effaçaient avec le temps. Le long rideau rosâtre débordait et effleurait le sol en même temps que ses chaussures noires. Seule la lointaine lueur de la gare parvenait à chatouiller ses iris dorés et fatigués. Edward soupira et posa son bras sur l’accoudoir en chêne abîmé. Les lointaines bribes de conversation entre Al et Winry se faisaient de plus en plus silence, sans qu’il ne sache comment. Le sommeil l’emportait peut-être... Avec une dure journée pour le suivre. Le blond se laissa doucement emporter par de nuageuses pensées, floues et nombreuses. Un Mustang par-ci, une Winry par-là.
Et ce symbole incliné... Toujours ce symbole... Mais que signifiait-il ? Il était certain que c’était ce qui lui échappait. Que lorsqu’il aurait compris le pourquoi de son existence, tout serait limpide.
Le monde changerait.
Peut-être était-ce un peu naïf de penser ainsi, malgré cela son instinct le persuadait de poursuivre dans cette voie... Mais comment en apprendre plus qu’il n’en savait déjà ? La bibliothèque de West City n’avait même pas su le contenter et il avait fini par renoncer. Ed n’en avait pas encore parlé à Alphonse et il se demandait si c’était une bonne chose de le faire. Après tout, il n’en saurait pas plus que lui et cela ne ferait que l’inquiéter.
Il devait y réfléchir sérieusement. Ce n’était qu’un symbole alchimique mais...
Il se dessinait sans cesse dans ses pensées, tournoyant d’un côté et de l’autre. Cela suffit amplement à l’endormir pour de bon jusqu’au petit matin.
« Ed ? Ed ! Lève-toi, on va être en retard ! Ed !!
— Mhrm...
— Mais grouille-toi bon sang ! s’affola la voix d’Alphonse.
— Bouge, Al, laisse-moi dor... »
CLANG !
Edward en fut encore plus sonné qu’il ne l’était déjà. Laissant échapper une plainte de douleur, il porta maladroitement sa main au coin de sa tête – là où avait atterri quelques secondes plus tôt une clé anglaise en fonte de qualité supérieure.
« Putain Winry, tu déconnes !
— Magne-toi le train, papy !
— J’ai essayé de te prévenir, Ed, mais bon... » constata innocemment Al.
Le Fullmetal se permit un dernier juron matinal avant de se lever et de tituber jusqu’à la salle de bain, où il resta quelques minutes à observer le reflet de sa mine fatiguée. La journée commençait plutôt mal...
La maison se réveillait peu à peu. Les rires d’Alphonse et Winry résonnaient depuis le rez-de-chaussée tandis que lui prenait une douche bien chaude et reposante, brossait ses cheveux – « qui d’ailleurs commencent à me barber, ils sont un peu trop longs... » – et s’habillait d’un pantalon noir, d’une chemise blanche et d’un long imperméable marron posés dans un coin de la petite salle bien éclairée. Edward sourit faiblement : Winry pensait décidément à tout...
« Dépêche-toi Ed, le petit-déjeuner va refroidir ! » criait la voix du cadet.
Effectivement, une délicate odeur de pommes caramélisées vint chatouiller les narines du blond ; Winry avait probablement préparé sa fameuse tarte en guise de cadeau d’au revoir. Il se pressa un peu plus et dévala les escaliers en se souvenant qu’il était en retard.
Les deux autres colocataires avaient déjà mis la table. Café, lait, viennoiseries et autres douceurs matinales venaient encadrer la tarte dorée et encore fumante.
« Il était temps ! On n’attendait plus que toi ! se moqua la jeune fille.
— Allez, on a peu de temps devant nous. »
Ed ne se fit pas prier. Ayant finalement retrouvé le sourire, il s’assit aux côtés de Winry et tendit la main vers la pâtisserie chaude sans plus de cérémonie.
« Tatata. Avant tout, tu fais comme tout le monde, tu bois du lait, fit la blonde en empêchant d’une main son voisin de se servir.
— Bon tu vas pas t’y mettre encore ?! s’indigna Edward.
— Tu fais comme tout le monde ! On a ramené trop de lait, il faut le finir.
— Ca m’fait une belle jambe tu sais ? »
Ce fut les sourcils haussés que Winry s’empara du plat et tendit le bras derrière elle pour l’éloigner. Consterné, le blond la toisa tout en réfléchissant à un moyen pour la duper. Quant à Al, son regard semblait s’être perdu quelque part dans le paysage givré de Resembool, visible à travers le carreau.
Edward, agacé, profita de l’absence d’esprit de son frère pour tendre la main à son tour et tenter d’attraper le plat. La distance le séparant de la Rockbell s’écourta vite et il ne tarda pas à remarquer la légère gêne chez elle. Comme si c’était contagieux, il se sentit tout aussi mal à l’aise mais là était la solution à son problème... Peut-être que s’il continuait sur sa lancée, il pourra it la déconcentrer et attraper sa cible. Cela ne lui plairait certainement pas, mais elle n’avait qu’à cesser de le materner.
« Mais, que...
— Haha je t’ai eue ! Ca t’apprendra à jouer avec mes nerfs » ricana Edward en attrapant l’assiette d’un geste vif.
On entendit un vague « s’qui se passe ? » de la part d’Alphonse pour conclure le tout. Winry fut d’abord surprise puis fit mine de se vexer. Le Fullmetal, fier de son stratège, ne se fit pas prier pour se découper un morceau de tarte et le déguster aussitôt. Ce fut sans compter sur la blonde qui lui asséna un coup sur la tête en guise de vengeance avant de se lever et se diriger vers son atelier.
« T’as fait quoi, encore » demanda Al.
L’aîné ne donna aucune réponse et se contenta d’avaler son petit-déjeuner rapidement.
« Allez, on y va ! Où sont nos affaires ? fit-il en se levant.
— Sur le pas de la porte, annonça le cadet. Winry, on va y aller ! »
Edward eut tout juste le temps d’entendre les pas précipités de Winry avant de s’engouffrer dans le hall d’entrée et d’ouvrir la porte, valise à la main.
« C’est inutile de prendre une valise non ? Puisque vous allez revenir... constata la Rockbell.
— On va la laisser là-bas quand on reviendra ici.
— Je vois... Prenez soin de vous, hein. Ed, tiens, de l’huile pour ton automail. Elle m’a coûté la peau des fesses, alors y a pas intérêt à ce que ça soit de la ferraille en revenant !
— Mhm... Merci...
— Et pas de mouvements brusques, avec tout ce froid.
— Winry, quels mouvements brusques veux-tu que je fasse dans une bibliothèque ? demanda Ed, exaspéré.
— J’en sais rien moi, avec toi on sait jam...
— Bon les pipelettes, moi j’y vais ! » coupa Al avant de saluer rapidement Winry de la main.
L’aîné poussa un long soupir et fit face à cette dernière, tremblant de froid.
« Allez, à plus. Fais pas de connerie... »
Ed se demandait si elle avait compris son allusion lorsqu’il la vit détourner la tête. Il avait bien tenté de la convaincre de rester chez Nelly mais rien à faire. Et toujours pour la même raison : les automails. A vrai dire il ne savait pas exactement quand ils allaient revenir ; en revanche, il savait combien la solitude en ces temps difficiles pouvait être dévastatrice.
Il l’étreignit sans un mot et tourna les talons pour tenter de rattraper Alphonse, déjà loin.
« Notre promesse tiendra toujours, Winry... Alors ne fais pas de connerie. »
A des kilomètres de là, au QG de l’est...
Roy Mustang, debout et dos à son siège de bureau, scrutait l’immense bâtiment gris clair à travers la fenêtre luisante.
« Mon général, son Excellence Grumman attend toujours votre rapport mensuel au sujet des Alchimistes de l’Est.
— Mhm...
— J’aimerais vous rappeler également que le Cinquième Régiment - soit celui qui est sous mes ordres – est en manque d’effectif, vous étiez censé en discuter avec les différents généraux de brigade afin d’homogénéiser tout cela.
— D’accord, je vois...
— Monsieur, le général Olivia Armstrong demande des nouvelles du Quartier Général de l’Est.
— Hum, plaît-il ? Faites-moi donc voir ça, Hawkeye... » demanda Mustang en tournant les talons et approchant de sa subordonnée.
Riza poussa un infime soupir. Décidément, Capitaine, Colonel ou Général, Roy Mustang était toujours le même...
« N’oubliez pas la prochaine venue des frères Elric ce soir.
— Oh ça... Je ne risque pas de l’oublier, non... »
« Ainsi commençait notre périple. Nous arrivâmes bientôt à East City, où le Général Mustang nous donna les clés du temps. »
Hagane no Rōdo
Sentier d’acier
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« Alphonse et moi allions repartir à l’armée et plus nos petites vacances à Resembool s’écourtaient, plus j’en devenais anxieux ; comme si mon esprit sentait au loin le bouleversement qui m’attendait... »
« Passe-moi le tournevis, s’il te plait.
— Voilà...
— Merci, Edward. »
Winry semblait un peu sèche, pensa le blond. Il savait très bien pourquoi : ils allaient repartir et la laisser ici. Ed n’en avait aucune envie mais il le fallait ; tant qu’il ne savait pas ce qui l’attendait à East City, elle resterait ici et en sécurité. Forcément, après deux années d’exil dans les archives et bibliothèques de l’Ouest entrecoupées de quelques coups de fil extrêmement courts du Général Mustang, il ne savait pas tellement ce que devenait le gouvernement amestrian. L’alchimiste de flamme semblait s’en sortir, toujours accompagné de son équipe. Mais il ne connaissait rien de plus à la situation actuelle.
Cela faisait presque un mois qu’ils étaient de retour. Le temps se rafraîchissait dehors ; on avait sorti manteaux de fourrure et gants en cuir. La neige ne tombait pas encore mais cela ne saurait tarder ; le ciel était souvent couvert et immaculé. Depuis la mort de Pinako, la maison Rockbell se construisait une nouvelle vie, petit à petit et sans précipitation. Winry avait repris l’atelier d’automails avec l’aide d’Edward tandis qu’Alphonse s’occupait à reconstruire la maison Elric. L’aîné fut tout d’abord réticent mais son petit frère insistait, prétextant que « nous n’allions tout de même pas occuper la maison Rockbell toute notre vie ». Et lorsque Winry assurait que cela la ravissait plus qu’autre chose, il contournait habilement le sujet de conversation. Ce fut alors avec l’aide des maçons de Resembool qu’il se mit à édifier la future maison de ses propres mains, refusant d’utiliser l’alchimie.
Edward ne se posait pas plus de questions ; il se contentait d’appliquer ses nouvelles connaissances en métaux rares et en mécanique aux greffes bioniques afin de les perfectionner. La blonde fut d’abord indignée de recevoir des leçons sur sa propre passion puis finalement, elle accepta l’entraide... D’autant plus qu’avec les récents évènements, ils ne se chamaillaient presque plus. Presque.
« Mais qu’est-ce que t’as foutu avec la pièce numéro quinze, Ed ?
— J’ai réduit son épaisseur pour diminuer l’encombrement ! Et comme ça, on fera une pièce quinze bis qui sera ajoutée juste en dessous pour augmenter la mobilité !
— L’automail est bien plus fragile comme ça ! protesta la blonde.
— Très bien, madame Je-Sais-Tout, démerde-toi ! Moi je m’en vais buller dans le salon, tiens !
— C’est ça, vire !
— Monstre, marmonna Ed tout en se relevant.
— Répète un peu, mini-plancton ?
— Je ne suis pas petit, je te dépasse en taille ! » répliqua ce dernier en pointant un doigt accusateur vers le nez droit de Winry.
A présent debout sur son vieux tabouret en bois, celle-ci, à la faible lumière de la lampe à huile posée sur son plan de travail et croulant presque sous la mare de clous et de tournevis se pencha narquoisement vers son coéquipier, trônant alors à quelques dizaines de centimètres de sa tignasse dorée.
« Mais Al est plus grand, comment expliques-tu ça ?
— Lâche-moi la grappe... finit-il par déclarer, las.
— Hé attends, te barres pas avec la quinze ! »
Edward s’aperçut que la petite pièce métallique demeurait enserrée dans sa main. Avec un léger sourire il lança sur le ton du défi :
« Attrape-moi si tu peux ! »
Le blond ouvrit la porte de l’atelier dans un énorme fracas et se précipita à l’extérieur, un énorme sourire narquois aux lèvres. Ce fut alors le début de la course-poursuite dehors, attirant l’oreille d’Alphonse non loin.
« C’est de la triche, tu as un automail à la jambe et moi non !
— Je t’en fais cadeau si tu veux ! »
Edward ne pensait pas vraiment ce qu’il disait. Avec le temps, il s’était fait à l’idée de n’avoir qu’une seule véritable jambe. Cet automail, il l’avait tout simplement mérité. C’était la sentence qui l’attendait après avoir transmuté sa mère.
Le perdre serait comme renoncer à la leçon de vie qu’il avait acquise. Bien entendu, pour le bras c’était différent. C’était pour Alphonse. C’était un sacrifice. La jambe... C’était une connerie. Comme on confisquait un jouet à un enfant, on la lui avait prise à jamais et il ne ferait rien pour la récupérer.
Ses pensées se perdaient et il s’était arrêté sans s’en apercevoir, les yeux levés vers le ciel immaculé. Une masse se jeta sur lui, le fit tomber au sol et sur le dos. Quelques vertèbres se plaignirent et le froid parcourut vivement sa peau, hérissant ses poils blonds. Winry ne se relevait pas et l’étreignait de toutes ses forces, la tête enfouie dans son cou. Sanglotait-elle... ?
« Prenez soin de vous, idiots ! »
Edward se tut et se contenta de glisser une main le long du dos de la blonde. Il devait revenir. Il allait revenir. La laisser seule ici serait un crime.
Le temps lui était compté. Ils allaient juste voir Mustang et... C’est tout.
Revenir, et vite.
Le départ était pour l’aube... Les secondes s’écoulaient silencieusement. Un sentiment étrange naquit peu à peu dans son esprit, comme s’il se rendait compte pour la toute première fois que le temps allait toujours vers l’avant sans s’arrêter, s’accélérer ou encore ralentir. Sans attendre les retardataires – c’était tant pis pour eux ! Il courait, courait et sa course ne prenait jamais fin. La Terre tournait sans arrêt, les aiguilles de chaque horloge trottaient pour toujours et aucun cadran n’était épargné... Ses souffles prenaient vie, mouraient dans l’instant et ce cycle se répétait inlassablement. Un geste qu’il continuerait d’exécuter encore et encore jusqu’à ce que mort s’ensuive et puis...
Le reste du monde respirera sans lui, et cætera, et cætera.
Le temps passait et Ed trouvait cela affreux.
A présent, ils étaient tous les trois dans la salle principale de la demeure des Rockbell. Winry observait silencieusement les frères Elric converser sur leur départ proche, assis sur le vieux canapé orange. Elle savait qu’il était égoïste de penser ainsi mais elle n’avait aucune envie de les voir partir, même en sachant pertinemment qu’ils allaient revenir. Parce qu’elle resterait là, seule sans eux et sans Pinako à attendre ne serait-ce que quelques jours... La peur prenait possession de son esprit. Comment allait-elle patienter ? Ferait-elle semblant d’aller bien et d’ignorer les cauchemars qui la hantent toutes les nuits ? Allait-elle devenir schizophrène ? Comment tenir...
Durant tout ce temps, Al l’observait avec un petit sourire.
« Faut pas t’en faire, on reviendra ! Arrête de te torturer l’esprit. »
Winry ignorait si son mal-être était aussi visible mais elle ne put retenir un sourire à son tour. A défaut de ne pas s’inquiéter, elle devait les rassurer. La blonde acquiesça silencieusement et annonça qu’il était grand temps de dîner avant de s’éclipser dans la cuisine.
« Tu crois que ça ira ? »
Alphonse se tourna vers son frère, le regard décidé.
« On a intérêt à faire vite » déclara ce dernier d’un ton assuré.
Il devait l’avouer ; l’inquiétude l’avait gagné. Mais il fallait absolument qu’il parte à East City avec Edward sur la demande du Général Mustang. Ils avaient déjà du travail et selon leur supérieur, eux seuls étaient capables de l’accomplir. Al était évidemment curieux de savoir de quoi il s’agissait. S’il avait également fait appel à Edward, cela promettait d’être intéressant. Ed connaissait désormais bien plus de choses sur l’alchimie alors que lui avait été contraint de la laisser de côté pour apprendre l’élixirologie auprès de Mei Chang.
« Dis-moi Ed...
— Hum ?
— Tu as appris beaucoup de choses à l’ouest, n’est-ce pas ? »
Le cadet le vit sourire.
« Tu peux pas savoir. C’est incroyable... L’alchimie est vraiment une science infinie. Ce qu’on a appris n’était rien d’autre qu’une façade. En réalité, il existe des choses bien plus profondes et inaccessibles... Du moins, pas pour tout le monde.
— Et tu y a accès, toi ?
— Je... n’en sais rien. J’ai comme l’impression que quelque chose m’échappe...
— Comment ça ?
— Il n’y a pas que des vies et de vulgaires matériaux qui peuvent s’échanger, annonça l’ex-alchimiste avec une lueur d’excitation dans ses yeux ambre. Je ne sais pas où ça pourrait nous mener – nulle part pour moi, puisque je ne transmute plus.
— Qui sait » tenta Al.
Pensif et son bras droit lourdement posé sur l’accoudoir, Edward le fixa longuement.
« Je sais ce que tu vas me dire, Al. »
Silence.
« Tu vas me dire que je pourrai peut-être récupérer mon alchimie. Mais...
— Tu n’en a pas envie ?
— Je ne sais pas.
— Pourtant ça a l’air de t’incommoder grandement...
— Ne dis pas ça, coupa Ed. Ce pouvoir, c’était rien face au retour de ton corps. Fin de la discussion. »
L’aîné se leva en fourrant les mains dans les poches de sa combinaison de travail grise, tourna les talons et partit vers la cuisine après avoir marmonné un :
« On prend le train de sept heures demain. »
Alphonse garda le silence. Ed n’allait pas bien et cela se voyait. Etait-ce la perspective de retourner à l’armée qui le rendait aussi anxieux ? Il osait espérer que ce n’était rien de plus.
« T’es sûre que ça ira ? Pourquoi tu ne veux pas rester chez Nelly, le temps qu’on revienne ?
— Nan, que dalle. Et les automails ? Je suis la seule à m’occuper de tout ça convenablement maintenant et c’est la source de nos vivres, je ne peux pas me permettre de fermer pour une durée aussi incertaine qu’est celle de votre voyage à East City.
— Tu vas rester seule ici alors » demanda Ed une nouvelle fois.
Winry ferma les yeux un instant puis tourna vers lui un visage qu’elle voulait rayonnant. Dans un grand sourire, elle répéta que tout irait pour le mieux et qu’il devait plutôt se soucier de sa réinsertion dans l’armée amestrianne.
Aussitôt dit, elle enfila ses gants de cuisine et demanda au blond de mettre la table.
« Al ! Viens m’aider. »
Le dîner fut un peu plus animé que ceux des jours précédents ; il allait se passer plusieurs jours – si ce ne fut plusieurs semaines – avant un retour à la normale. Autant en profiter.
Cependant, Ed demeurait silencieux et s’éclipsa dans sa chambre immédiatement après avoir mangé.
Le jeune homme ne prit pas la peine d’allumer la lumière et se contenta de s’affaler sur le vieux fauteuil, dont les motifs fleuris s’effaçaient avec le temps. Le long rideau rosâtre débordait et effleurait le sol en même temps que ses chaussures noires. Seule la lointaine lueur de la gare parvenait à chatouiller ses iris dorés et fatigués. Edward soupira et posa son bras sur l’accoudoir en chêne abîmé. Les lointaines bribes de conversation entre Al et Winry se faisaient de plus en plus silence, sans qu’il ne sache comment. Le sommeil l’emportait peut-être... Avec une dure journée pour le suivre. Le blond se laissa doucement emporter par de nuageuses pensées, floues et nombreuses. Un Mustang par-ci, une Winry par-là.
Et ce symbole incliné... Toujours ce symbole... Mais que signifiait-il ? Il était certain que c’était ce qui lui échappait. Que lorsqu’il aurait compris le pourquoi de son existence, tout serait limpide.
Le monde changerait.
Peut-être était-ce un peu naïf de penser ainsi, malgré cela son instinct le persuadait de poursuivre dans cette voie... Mais comment en apprendre plus qu’il n’en savait déjà ? La bibliothèque de West City n’avait même pas su le contenter et il avait fini par renoncer. Ed n’en avait pas encore parlé à Alphonse et il se demandait si c’était une bonne chose de le faire. Après tout, il n’en saurait pas plus que lui et cela ne ferait que l’inquiéter.
Il devait y réfléchir sérieusement. Ce n’était qu’un symbole alchimique mais...
Il se dessinait sans cesse dans ses pensées, tournoyant d’un côté et de l’autre. Cela suffit amplement à l’endormir pour de bon jusqu’au petit matin.
« Ed ? Ed ! Lève-toi, on va être en retard ! Ed !!
— Mhrm...
— Mais grouille-toi bon sang ! s’affola la voix d’Alphonse.
— Bouge, Al, laisse-moi dor... »
CLANG !
Edward en fut encore plus sonné qu’il ne l’était déjà. Laissant échapper une plainte de douleur, il porta maladroitement sa main au coin de sa tête – là où avait atterri quelques secondes plus tôt une clé anglaise en fonte de qualité supérieure.
« Putain Winry, tu déconnes !
— Magne-toi le train, papy !
— J’ai essayé de te prévenir, Ed, mais bon... » constata innocemment Al.
Le Fullmetal se permit un dernier juron matinal avant de se lever et de tituber jusqu’à la salle de bain, où il resta quelques minutes à observer le reflet de sa mine fatiguée. La journée commençait plutôt mal...
La maison se réveillait peu à peu. Les rires d’Alphonse et Winry résonnaient depuis le rez-de-chaussée tandis que lui prenait une douche bien chaude et reposante, brossait ses cheveux – « qui d’ailleurs commencent à me barber, ils sont un peu trop longs... » – et s’habillait d’un pantalon noir, d’une chemise blanche et d’un long imperméable marron posés dans un coin de la petite salle bien éclairée. Edward sourit faiblement : Winry pensait décidément à tout...
« Dépêche-toi Ed, le petit-déjeuner va refroidir ! » criait la voix du cadet.
Effectivement, une délicate odeur de pommes caramélisées vint chatouiller les narines du blond ; Winry avait probablement préparé sa fameuse tarte en guise de cadeau d’au revoir. Il se pressa un peu plus et dévala les escaliers en se souvenant qu’il était en retard.
Les deux autres colocataires avaient déjà mis la table. Café, lait, viennoiseries et autres douceurs matinales venaient encadrer la tarte dorée et encore fumante.
« Il était temps ! On n’attendait plus que toi ! se moqua la jeune fille.
— Allez, on a peu de temps devant nous. »
Ed ne se fit pas prier. Ayant finalement retrouvé le sourire, il s’assit aux côtés de Winry et tendit la main vers la pâtisserie chaude sans plus de cérémonie.
« Tatata. Avant tout, tu fais comme tout le monde, tu bois du lait, fit la blonde en empêchant d’une main son voisin de se servir.
— Bon tu vas pas t’y mettre encore ?! s’indigna Edward.
— Tu fais comme tout le monde ! On a ramené trop de lait, il faut le finir.
— Ca m’fait une belle jambe tu sais ? »
Ce fut les sourcils haussés que Winry s’empara du plat et tendit le bras derrière elle pour l’éloigner. Consterné, le blond la toisa tout en réfléchissant à un moyen pour la duper. Quant à Al, son regard semblait s’être perdu quelque part dans le paysage givré de Resembool, visible à travers le carreau.
Edward, agacé, profita de l’absence d’esprit de son frère pour tendre la main à son tour et tenter d’attraper le plat. La distance le séparant de la Rockbell s’écourta vite et il ne tarda pas à remarquer la légère gêne chez elle. Comme si c’était contagieux, il se sentit tout aussi mal à l’aise mais là était la solution à son problème... Peut-être que s’il continuait sur sa lancée, il pourra it la déconcentrer et attraper sa cible. Cela ne lui plairait certainement pas, mais elle n’avait qu’à cesser de le materner.
« Mais, que...
— Haha je t’ai eue ! Ca t’apprendra à jouer avec mes nerfs » ricana Edward en attrapant l’assiette d’un geste vif.
On entendit un vague « s’qui se passe ? » de la part d’Alphonse pour conclure le tout. Winry fut d’abord surprise puis fit mine de se vexer. Le Fullmetal, fier de son stratège, ne se fit pas prier pour se découper un morceau de tarte et le déguster aussitôt. Ce fut sans compter sur la blonde qui lui asséna un coup sur la tête en guise de vengeance avant de se lever et se diriger vers son atelier.
« T’as fait quoi, encore » demanda Al.
L’aîné ne donna aucune réponse et se contenta d’avaler son petit-déjeuner rapidement.
« Allez, on y va ! Où sont nos affaires ? fit-il en se levant.
— Sur le pas de la porte, annonça le cadet. Winry, on va y aller ! »
Edward eut tout juste le temps d’entendre les pas précipités de Winry avant de s’engouffrer dans le hall d’entrée et d’ouvrir la porte, valise à la main.
« C’est inutile de prendre une valise non ? Puisque vous allez revenir... constata la Rockbell.
— On va la laisser là-bas quand on reviendra ici.
— Je vois... Prenez soin de vous, hein. Ed, tiens, de l’huile pour ton automail. Elle m’a coûté la peau des fesses, alors y a pas intérêt à ce que ça soit de la ferraille en revenant !
— Mhm... Merci...
— Et pas de mouvements brusques, avec tout ce froid.
— Winry, quels mouvements brusques veux-tu que je fasse dans une bibliothèque ? demanda Ed, exaspéré.
— J’en sais rien moi, avec toi on sait jam...
— Bon les pipelettes, moi j’y vais ! » coupa Al avant de saluer rapidement Winry de la main.
L’aîné poussa un long soupir et fit face à cette dernière, tremblant de froid.
« Allez, à plus. Fais pas de connerie... »
Ed se demandait si elle avait compris son allusion lorsqu’il la vit détourner la tête. Il avait bien tenté de la convaincre de rester chez Nelly mais rien à faire. Et toujours pour la même raison : les automails. A vrai dire il ne savait pas exactement quand ils allaient revenir ; en revanche, il savait combien la solitude en ces temps difficiles pouvait être dévastatrice.
Il l’étreignit sans un mot et tourna les talons pour tenter de rattraper Alphonse, déjà loin.
« Notre promesse tiendra toujours, Winry... Alors ne fais pas de connerie. »
A des kilomètres de là, au QG de l’est...
Roy Mustang, debout et dos à son siège de bureau, scrutait l’immense bâtiment gris clair à travers la fenêtre luisante.
« Mon général, son Excellence Grumman attend toujours votre rapport mensuel au sujet des Alchimistes de l’Est.
— Mhm...
— J’aimerais vous rappeler également que le Cinquième Régiment - soit celui qui est sous mes ordres – est en manque d’effectif, vous étiez censé en discuter avec les différents généraux de brigade afin d’homogénéiser tout cela.
— D’accord, je vois...
— Monsieur, le général Olivia Armstrong demande des nouvelles du Quartier Général de l’Est.
— Hum, plaît-il ? Faites-moi donc voir ça, Hawkeye... » demanda Mustang en tournant les talons et approchant de sa subordonnée.
Riza poussa un infime soupir. Décidément, Capitaine, Colonel ou Général, Roy Mustang était toujours le même...
« N’oubliez pas la prochaine venue des frères Elric ce soir.
— Oh ça... Je ne risque pas de l’oublier, non... »
« Ainsi commençait notre périple. Nous arrivâmes bientôt à East City, où le Général Mustang nous donna les clés du temps. »
Hagane no Rōdo
Sentier d’acier
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Miyu-chan- Lecteur de Prospectus
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